Louveteau - Zoo de Berlin, 2005
dimanche 19 février 2012

" Tangente vers l'est " de Maylis de Kerangal - Editions Verticales, 2012

" Tangente vers l'est " est un roman qui fait voyager à bord du Transsibérien. " Le Transsibérien. La ligne mythique. Deux rails en forme de lignes de fuite qui la conduiraient jusqu'au Pacifique. " C'est un roman né d'un voyage dans le Transsibérien effectué par l'auteur dans le cadre de l'Année France-Russie, en juin 2010.



Le livre raconte l'histoire d'Aliocha, jeune appelé, tétanisé à l'idée d'être emmené dans un lieu inconnu, pour un sort qui l'effraie, et Hélène, française, qui monde à bord du Transsibérien pour échapper à une passion amoureuse qui la fragilise. Lui essaie à plusieurs reprises, mais sans succès, de s'évader du train. Elle cherche à fuir vers l'Est pour tenter d'y voir plus clair dans sa relation avec son amant russe.

Les deux déserteurs vont se rencontrer à bord du train et faire une partie du voyage ensemble, devenant mutuellement complices de leur propre fuite.

De Moscou jusqu’à Vladivostok, c’est un roman qui nous transporte à travers la forêt sibérienne, les paysages sont décrits avec une écriture limpide et articulée. L’ambiance tantôt malsaine, tantôt oppressante, tantôt festive à bord du train est palpable. C’est un livre plein de sensualité, d’images, de bruits, et qui dresse un portrait ultra-réaliste de personnes en prise avec leurs vies angoissantes mais se laissant imprégner de l’expérience du voyage pour entrevoir la possibilité d’un nouveau départ.
Quelques extraits ...

" (...) ces hôtesses du rail, on les craignait tout comme on enviait l'aura légendaire qui les distinguait de toutes les autres Russes : transfrontalières sans passeport passant d'une république à l'autre, (...) leurs pieds ont senti le relief, le moindre haussement de la courbe de niveau tracée sur plus de neuf mille kilomètres, leurs yeux ont vu les iris sauvages et les villes interdites, celles ennuagées de charbon dont les noms n'apparaissent même pas sur les cartes géographiques, ils savent la taïga sombre et dorée comme un sous-bois infini, ils savent la steppe, ils savent les grands fleuves, la Volga, l'Ienisseï et l'Amour, (...). "

" (...) et l'Ienisseï qui, oui, était bien le plus majestueux fleuve de Russie. (...) il l'écoutait avec une telle attention qu'il finissait par entendre tout ce qu'elle ne disait pas, sa difficulté à vivre ici, hors socle, hors de son climat, hors de sa langue, aveugle et sourde elle répétait en riant, et solitaire - c'est la vie sibérienne plaisantait-il les premiers jours, la vie dans un monde retourné comme un gant, brut, sauvage, vide, tu verras que tu t'y feras ! "

" D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ne montent dans le Transsibérien que pour ça : descendre à Irkoutsk et de là, s'avancer jusqu'au lac Baïkal. "

" (...) on capture les images du lac infini, (...). On crie, on chante, on ouvre des bouteilles de vodka à la chaîne, on partage des gâteaux, on fond en larmes, une femme s'évanouit d'émotion, une autre déclame un poème, un couple danse, tout le monde parle en même temps, personne ne s'écoute (...) un vieil homme au bout du wagon se frappe le torse en criant nous les Russes sommes peut-être pauvres, mais nous avons le Baïkal ! La plus grande réserve d'eau douce de la Terre ! "

" L'océan ressurgit plus tard, au nord de Vladivostok, des plages cendreuses, des hôtels qui attendent, les traînées d'écume hydrophile sur la crête des vagues, leur enroulement très lent : le terminus est proche. Après quoi ça s'agite et ça se soulève, une confusion de collines bétonnées, des tours d'habitations soviétiques penchées sur l'océan, des bâtiments anciens, plus rares, et puis la gare. "

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire