Louveteau - Zoo de Berlin, 2005
samedi 4 mai 2013

"En ville" de Christian Oster, Editions de l'Olivier - 2013

Dans son nouveau roman "En ville" Christian Oster nous livre de manière édulcorée, telles des scènes peintes à l'aquarelle, les troubles et désordres intérieurs de cinq personnages à un moment donné de leur vie.

Avec un certain humour et sens de la précision, le narrateur décortique ses réfléxions intérieures face aux situations qu'il traverse au cours de ces quelques mois. La trame principale du roman repose simplement sur les rencontres occasionnelles de cinq amis pour préparer leurs prochaines vacances en commun. Mais des événements imprévus viennent se greffer au fur et à mesure du récit qui vont progressivement révéler l'état d'esprit, les interrogations, les aspirations profondes de ces personnages semblant flotter dans un Paris débarrassé de son tumulte habituel.
George (qui vient d'être quitté) tombe amoureux, William (qui habite en face d'un hôpital) fait une embolie pulmonaire, Paul et Louise envisagent de se séparer (mais pas avant la fin des vacances) et Jean (le narrateur) apprend qu'il attend un enfant (d'une femme qu'il n'aime pas).






Quelques extraits...

"Je vais déménager, ai-je dit, et je connaissais bien cette situation, où l'on finit par se livrer pour remplir des blancs, la conscience qu'elle éveille d'une disproportion, d'une dépense excessive, non que ma confidence fût particulièrement intime, il s'agissait plutôt d'une anecdote, mais enfin elle me concernait et j'ai compris que Louise allait me relancer (...)."

"Maintenant, quand je m'approchais des fenêtres, j'essayais d'embrasser les deux, à savoir les voitures d'une part et d'autre part la Seine et même le front de Seine avec ses tours. J'essayais de comprendre si ça faisait un ensemble, si je pouvais trouver à cette association visuelle une cohésion. Parce que je m'approchais des fenêtres. J'en avais assez de les fuir. J'avais besoin de savoir. Or je n'ai pas su. Chaque fois que j'allais vers les fenêtres, je ne retrouvais pas cette cohésion. Je devais donc retourner vers les fenêtres pour la rechercher. Je pensais beaucoup, en ces instants, aux bords de Seine avant Georges Pompidou. Pour finir, je m'éloignais des fenêtres. Disons que m'en approcher constituait un exercice."

"Je ne lui ai pas demandé de nouvelles de son état, toujours pour les mêmes raisons, je voyais déjà l'enfant se former dans son ventre et dans ma tête, avec son petit visage en préparation, et je ne voulais pas contribuer à le faire évoluer à coups de questions ni même de mots, sur ce point je me suis montré peu locace, j'ai fait comme si je n'insistais pas lourdement sur ce qui nous liait, Roberta et moi, et que tout ça eût été implicite."

"Son appartement était encombré d'objets, il y avait chez elle un nombre d'objets impressionnant, en tout cas qui m'a impressionné, parce que j'avais peu à peu tout jeté chez moi à partir du moment où j'avais atteint le stade de Roberta Giraud, j'avais accumulé comme elle et un jour j'avais commencé à trier. De tri en tri, je m'étais aperçu que je ne tenais à rien, ou que je ne voulais plus tenir à rien, en tout cas j'avais constaté très vite que, ce que j'avais jeté, j'avais oublié que je l'avais jeté, et surtout je n'achetais plus rien, aucun objet qui n'eût pas d'utilité pratique. Roberta vivait donc avec ses souvenirs et je lui ai demandé pour alimenter la conversation si elle y tenait, elle qui n'avait pas peur de la mort n'aurait pas dû tenir au passé (...)."

"Et cependant l'enfant me tournait dans la tête, dans tous les cas, me disais-je, il s'agit d'une expérience limite, quelqu'un naît quelque part et non seulement je n'y suis pas pour rien mais de surcroît je n'y suis pas seulement pour quelque chose, j'y suis franchement pour moitié, et je n'avorterai pas, me suis-je dit, n'enfanterai ni n'avorterai, n'ai à peu près d'autre possibilité que de m'incliner devant des lois que je ne contrôle pas et de vivre, donc, avec cette ahurissante idée de l'enfant qui fatalement grandit, me suis-je dit, et finit par penser, par se poser des questions, par choisir son camp politique, et alors j'en suis comme on dit le père, et il vote, ai-je songé, ou devient un agitateur, il porte éventuellement une barbe. Tout ça en un sens me regarde, ai-je pensé."

"C'était un bébé assez laid, ou peut-être pas si laid, la dernière fois que j'en avais vu un c'était chez un cousin, il y avait longtemps, le bébé était évidemment vieux maintenant, à l'époque il avait cette expression sérieuse qu'on voit à certains conseillers clientèle mais je ne savais pas ce qu'il était devenu, du reste, non plus que le cousin, d'ailleurs, qui peut aussi bien être mort, ai-je pensé, et tout aussi bien son fils (...)."

"Je n'avais jamais été assis à côté d'elle dans le train. D'où j'étais, côté couloir, à cinq ou six sièges de là, je voyais un genou de Paul. Je n'arrivais pas à respirer. J'attends un enfant d'une femme que je n'aime pas, ai-je dit en fixant le dossier du siège de devant, et j'imagine parfois que toi et moi on vieillit ensemble. Pardon, a fait Louise, qu'est-ce que tu viens de dire ? et on a entendu l'annonce de fermeture des portes."



Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à le partager ou à inscrire vos commentaires ;)
Je vous invite également à suivre mon blog en indiquant votre adresse email (Follow by email), afin de recevoir chaque nouvel article publié ! Merci ;)





Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire