Louveteau - Zoo de Berlin, 2005
mercredi 27 avril 2016

"Soudain, seuls" Isabelle Autissier


« Soudain, seuls » d'Isabelle Autissier est un roman qui raconte le destin d’un couple de trentenaires Louise et Ludovic partis faire un tour du monde en voilier.


Menant une vie tranquille à Paris, dans le cocon de leur appartement, ils se sont rencontrés 5 ans auparavant alors qu’elle partait faire de l’escalade et lui skier avec des amis. Tous les deux sportifs, passionnés et ayant le goût de l’aventure et de la liberté, ils décident de poser une année sabbatique et de se lancer dans le voyage de leur vie. C’est à bord d’un voilier qu’ils partent à la découverte d’un monde plein de promesses.

Ce périple joyeux et exaltant bascule soudainement lorsque leur voilier est pris dans une tempête entre la Patagonie et le Cap Horn et qu’ils se retrouvent échoués sur une île déserte.

Une nouvelle expérience de près de 8 mois commence alors, pendant laquelle le couple va découvrir les forces et les failles de leur union, leurs ressources intérieures et aussi leurs limites respectives. Tels des Robinson Crusoé, ils vont faire face à la faim, au froid, à l’isolement et devoir faire preuve de détermination et d’ingéniosité pour survivre et garder l’espoir de sortir de ce cauchemar. 

L’écriture d’Isabelle Autissier, puissante et aiguisée, donne à ce roman une intensité particulière. On est dès les premières pages happé par l’histoire et tenu par le suspense de l’épreuve que traverse ce couple.

C’est un roman bouleversant qui parle de l’amour et de la haine, de l’instinct de survie, de décisions cruciales, et de toutes les contradictions que chaque être a en lui et auxquelles, dans une situation où la vie et la mort sont si proches l’une de l’autre, il se trouve exposé de manière démesurée et déroutante.

Quelques extraits...

"L'aventure est à ce prix, c'est même leur but, se sortir de la torpeur de bureaux parisiens qui risquaient de les engloutir dans une confortable mollesse et les laisser sur le bord de leur vie. La soixantaine sonnerait et ils n'auraient que les regrets de n'avoir rien vécu, de ne s'être jamais battus, jamais découverts."

"...ils constituent un journal (...). Ces modestes écritures leur procurent un bien fou. Elles leur offrent à nouveau une histoire, les rapprochent d'une vie normale, civilisée. C'est vrai qu'ils ont tendance à y reporter plutôt leurs victoires que leurs défaites, plutôt leurs projets que leurs doutes. Inconsciemment, ils se laissent aller à imaginer qu'un jour quelqu'un lira ces lignes et ils aimeraient donner bonne impression."

"Ils ne se le disent pas, mais ce qui remonte le plus à leur conscience, de ce monde d'avant, ce sont les éléments les plus infantiles, les comptines qu'ils se surprennent à fredonner, les images d'une promenade avec un grand-père, l'odeur de la bouillie au chocolat. Aucun n'ose avouer ces régressions, mais elles sont leur socle."

"Le reste du temps, la faim leur tord l'estomac, leur donne des frissons, leur tourne la tête, leur provoque des éblouissements soudains et paralyse chacun de leurs mouvements comme s'ils se débattaient dans une toile d'araignée. La faim leur ronge aussi l'esprit, les empêche de penser, de faire des projets, de seulement imaginer demain."

"Hier, un lien s'est brisé qui la retenait au monde normal, celui du 15ème arrondissement, des lumières de la ville, des appartements chauffés, de l'eau courante. Y penser est douloureux, comme un amour perdu, mais si elle ne fait pas son deuil, il n'y aura pas de place pour autre chose. Autre chose ? Mais quoi ?"

"Les larmes ruissellent sur son visage. Ludovic devrait le percevoir. Elle voudrait qu'il se retourne, l'enlace, lui murmure juste un mot. Pas une caresse : juste un mot, un grognement pour lui signifier qu'il est là, qu'il ne laisse rien tomber, lui non plus. Elle se concentre sur cette idée comme on le fait parfois, pensant pouvoir influencer le destin par sa seule volonté."

"Plus elle accélère le pas et plus les images lui reviennent à la conscience. Ce n'est pas l'homme souffrant et désespéré qui s'impose à elle, mais celui qu'elle a aimé et suivi jusqu'à ce bout du monde, un personnage joyeux, énergique, dans les bras duquel elle rêve à nouveau de se jeter, un homme qu'elle avait presque réussi à oublier et qui lui saute soudain à la mémoire."

"Comment font les gens à la guerre ? Est-ce qu'ils ne se sauvent pas d'abord eux-mêmes ? Les héroïsmes dont les romans sont pleins n'aboutissent qu'à quelques morts en plus. Vivre seule ou mourir à deux ?"

"Le combat est fini, la vie a perdu et avec elle cette tension, cette lutte de chaque jour, de chaque instant pour trouver des solutions à l'impossible, réussir à se maintenir au milieu de rien, loin de tout et de tous. Cette nature sans pitié a été la plus forte, mais doit-on attendre de la pitié des éléments naturels ? Ici, tous les jours, des bêtes vivent et meurent."




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dimanche 10 avril 2016

"Résurrection", un film mexicain sur les "chutes du Niagara mexicaines"

Dans le cadre du 33ème Festival International du Film d'Environnement qui se tient du 5 au 12 avril 2016 au Cinéma des Cinéastes, j'ai assisté à la projection du documentaire mexicain « Resurrección » en présence du réalisateur Eugenio Polgovsky et de deux protagonistes du film.



Ce documentaire long métrage en compétition présente la situation catastrophique des chutes d'eau "El Salto de Juanacatlán" situées dans l’Etat de Jalisco au Mexique. Longtemps appelées les « chutes du Niagara mexicaines », elles étaient jusqu’aux années 1970 un lieu de villégiature et un petit coin de paradis naturel où de nombreux couples en lune de miel venaient se faire photographier.



40 ans plus tard, le paysage est méconnaissable et le constat désastreux. Toute une flopée d’usines industrielles sont venues s’installer le long du fleuve Santiago, avec la promesse d’une vie plus moderne et faite de progrès pour les habitants de la région. Les conséquences ont en fait été dramatiques puisque le fleuve sert de dévidoir pour les eaux usées des villes de la communauté urbaine de Guadalajara, et la contamination par des centaines de produits chimiques des usines fait de la rivière Santiago la plus polluée de l’Amérique Latine.

Une énorme couche de mousse blanche flotte désormais quotidiennement sur les eaux de ce fleuve autrefois un lieu de pêche et de baignade pour les riverains. Aujourd’hui il ne reste plus que des poissons morts, des canards à l’agonie, une odeur fétide et des berges aux allures misérables.




Le réalisateur, qui a passé 3 ans à faire ce film, est allé à la rencontre des habitants des villages El Salto et Juanacatlán qui racontent avec nostalgie à quoi ressemblait le fleuve avant ce grand désastre et les souvenirs qu’ils ont gardé de cette époque. Le documentaire présente de manière artistique et poétique le passage d’une époque à une autre, en intercalant notamment des images d’archives en noir et blanc et des vieilles diapositives. Comme le disent les habitants, avec la contamination de l’eau du fleuve, ce sont leurs rêves, leur âme et leur identité qui ont disparu.

Sur le plan humain et sanitaire, les impacts de cette pollution sont terrifiants. Le nombre d’enfants et d’adultes malades (insuffisance rénale, maladies de peaux, cancers…) ne cesse d’augmenter et le taux de mortalité est alarmant.

Depuis le début des années 2000, le gouvernement diffuse des campagnes à la télévision en promettant la remise en état et la dépollution du fleuve, avec l’installation de filtres. Mais aucune action concrète n’est réellement menée pour définitivement stopper la pollution de l’eau. Les habitants, en quête de leur paradis perdu, se battent quotidiennement et de manière pacifiste avec leur collectif « Un salto de vida » fondé en 2006.

Le réalisateur, Eugenio Polgovsky, qui s’est exprimé avec émotion à la fin du film, espère avec ce documentaire faire connaître au plus grand nombre de personnes le destin de ces habitants en quête de résurrection. Comme il l’a précisé, « l’eau c’est la vie, et c’est ce qui nous constitue ».








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